Quelle identité nationale?

Publié le par Erwann

 

 

Le grand débat national sur l'identité nationale vient à peine de commencer qu'il commence déjà à déraper, comme l'on pouvait s'y attendre. En partant d'une volonté électoraliste et populiste Nicolas Sarkozy et Eric Besson semblent avoir donné une tribune inespérée non seulement au Front National mais également à une partie de son électorat, et au-delà à ceux qui se sentent menacés par l'immigration.

Car le raccourci entre identité nationale et immigration, déjà présent dans l'intitulé même du ministère créé par le président au début de son mandat, est très vite et allègrement franchi lors des «conversations de comptoir» qu'Eric Besson semble affectionner. D'ores et déjà il est estimé qu'environ 15% des participations sur le site du ministère en question en dû être effacées car contenant des propos racistes ou xénophobes.

Les hasards du calendrier ont voulu que ce débat débute alors même que les Suisses viennent tout juste de voter en faveur de l'interdiction de construction de minarets, dans un pays qui en compte... six pour une population de 300.000 musulmans.

Cette «péripétie» n'est que la dernière étape d'un large mouvement de fond qui traverse toute l'Europe depuis une dizaine d'années, dont les précédents points d'orgue ont été la présence au second tour des élections présidentielles de Jean-Marie Le Pen, la présence au gouvernement de partis d'extrême droite en Autriche, Italie, Pays-Bas et Danemark, la montée des mouvements néo-nazis en Allemagne ou au Royaume-Uni.

La grande question que l'on peut se poser, au-delà du pourquoi d'un tel débat, c'est qu'est ce que l'identité nationale française. Et surtout savoir si elle dépasse les symboles que sont le drapeau, la devise et l'hymne national. On pourrait imaginer que dans un pays tel que la France, de construction ancienne devrait avoir développé un fond commun à toute la population, dans lequel les nouveaux arrivants pourraient se fondre.

Paradoxalement, la question d'identité nationale n'est apparue que très récemment en France, principalement peu après la Révolution. Dans l'adversité, face à l'Europe entière cherchant à mettre fin à cette jeune république qui présentait danger pour les autres royautés, le sentiment d'appartenance à un ensemble commun s'est développé rapidement. Pour autant, la France était à cette époque pleine de différences.

De la Bretagne à la Corse, en passant par le Pays Basque ou la Catalogne française, les éléments communs étaient peu nombreux dans la population au début du XIXème siècle. C'est d'ailleurs pour y remédier que, durant la deuxième moitié du XIXème, une campagne visant à imposer le français au détriment des langues régionales était menée dans les écoles, les cultures locales étaient mises sous l'éteignoir, présentées comme des archaïsmes dont le pays devait se débarrasser pour entrer de plein pied dans la modernité marquée par la révolution industrielle.

A partir de 1870 c'est de nouveau un ennemi commun, l'Allemagne venant de reprendre possession de l'Alsace-Lorraine, qui a permis de cristalliser la population et créer un terreau favorable au développement d'une identité nationale marquée d'un profond nationalisme. Le fait le plus marquant de cette époque restera très certainement l'affaire Dreyfus, qui sera le réceptacle à la fois de l'antisémitisme très présent à l'époque et du nationalisme ne cessant de se renforcer. Pendant près de 40ans, de chaque côté de la frontière, ce nationalisme sera enseignée à des générations entières. Ce nationalisme exacerbé et entretenu, associé à une dévalorisation systématique de «l'ennemi» sera l'une des causes majeures à la Première Guerre Mondiale.

On pourrait envisager qu'une identité ne se construit pas dès que la population est ethniquement homogène. Mais que ce soit entre les populations «historiques» françaises, Bretons, Flamands, Alsaciens, Occitans et autres, ou du fait des différentes phases d'immigration, Polonais, Espagnols, Portugais, Italiens, puis depuis les années 50, Maghrébins, Africains, Chinois, la France n'a cessé d'être une terre de métissage, de mélange et d'assimilation de nouveaux groupes.

Que pourrait on dès lors définir comme identité française? Comme un fonds commun à l'ensemble de la population. Il y a les combats, les acquis, de la Révolution, de l'Empire, du Front Populaire, du Conseil National de la Résistance ou encore des premiers mois de la présidence de François Mitterand.

Ces événements majeurs de l'Histoire de France ont donné permis la mise en place des Droits de l'Homme, du droit d'asile, de la sécurité sociale, des congés payés ou encore de postes tels que celui de juge d'instruction. On pourrait dès lors se demander qui souhaite remettre en cause cette identité à l'heure actuelle.

Publié dans Société

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