La Gauche est au pouvoir? Vraiment?
Définitivement, les premiers mois de la présidence Hollande sont difficiles. Pas à cause des couacs de communication, tous quantité négligeable (et on oublie que même une machine bien huilée comme la communication sarkozienne a connu ses ratés durant les 6 premiers mois). Mais à cause des choix faits, ce qui est bien pire.
Depuis mai 2012, le Parti socialiste est dans une situation inédite : à la tête de l'ensemble des pouvoirs politiques du pays, à l'exception du Conseil Constitutionnel, le parti majoritaire aurait la possibilité de transformer profondément la société française, si tel était sa volonté. Volonté que l'on aurait pu penser être incarnée par le slogan de campagne du candidat Hollande, «Le Changement c'est Maintenant».
Pour l'instant, force est de constater que le changement se fait plutôt attendre. Le président Hollande doit faire face au «mur du réel», comme l'a appelé une éditorialiste du Monde. Ce mur du réel selon elle, fait qu'il est impossible de mener les choses autrement que ne le fait actuellement le gouvernement, que l'a fait le gouvernement précédent. Et tant pis si cela crée le sentiment qu'il y a une continuité, tant pis si cela renforce l'argument maintes fois ressassé du FN qui n'a jamais cessé de parler de l'UMPS.
Les Guignols de l'Info ne s'y sont d'ailleurs pas trompés, en dépeignant Manuel Valls en militant de l'UMP. Car en la matière, les choses ne sont guère différentes de l'ère précédente. C'est d'ailleurs à l'Intérieur que le premier recul a eu lieu. Avec l'annonce de l'abandon du récépissé de contrôle d'identité, pourtant présent dans les 60 propositions du candidat socialiste, jeté aux orties par son ministre de l'Intérieur pour ne pas affronter une fronde policière. La politique envers les Rroms est là encore dans la continuité, puisque s'ils sont moins médiatisés, les camps ont continué à être démantelés de manière régulière. De même concernant la politique migratoire, au sujet de laquelle les associations, à quel que niveau que ce soit, s'accordent à dire que les récentes circulaires ne changent pas énormément de chose, si ce n'est peut-être limiter l'arbitraire.
En terme de protection de l'environnement, là encore les politiques suivies laissent songeur. Il y a bien entendu l'EPR de Flamanville, dont le coût ne cesse d'exploser, qui multiplie les défauts de conception à tous les étages, posant des questions en terme de sécurité. Pourtant le gouvernement le défend. Il pourrait considérer qu'il est tenu par les dépenses engendrées par le précédent gouvernement sur ce dossier, que l'Etat ne peut se permettre de perdre autant d'argent en arrêtant le projet, pourtant il a décidé de défendre le projet malgré tout. De même concernant la THT Cotentin-Maine ou la LGV Lyon-Turin, où l'opposition locale reste pourtant, à chaque fois, extrêmement forte.
Et puis il y a l'aéroport de Notre-Dame des Landes, le bébé de Jean-Marc Ayrault. Avec l'inconvénient d'avoir fait d'un dossier local, un dossier national. Reconnu d'utilité public par le précédent gouvernement (Jean-Louis Borloo avait signé le décret, prétendant le faire oublier aujourd'hui en se rangeant du côté des opposants au projet), NDDL est l'un des rares projets du précédent gouvernement à ne pas avoir été gelé ou tout simplement abandonné, avec le Grand Paris. Pour nombre de projets ce n'était pas bien difficile, ils avaient été annoncés sans jamais avoir été budgétés, il s'agissait de simples effets d'annonce (grande spécialité sarkozienne).
Mais NDDL a bénéficié d'un traitement particulier, petit cadeau au néo-Premier ministre qui tient à tout prix à son aéroport afin de faire de Nantes une métropole européenne. Et peu importe les manipulations de chiffres par un ancien préfet devenu cadre à Vinci (futur maître d'oeuvre et exploitant de l'aéroport), ou les questions légitimes quant à l'intérêt réel d'un tel équipement alors que l'Ouest regorge d'aéroports sous utilisés actuellement et pouvant fonctionner en synergie.
Par tous ces exemples, le signal envoyé, entre autres aux alliés d'EELV, est que rien ne va changer : plutôt qu'optimiser les structures existantes on en crée de nouvelles, plutôt qu'investir dans l'énergie renouvelable on dépense des milliards dans une centrale nucléaire qui intéresse de moins en moins de monde (l'Italie vient de se désengager de l'EPR). A charge pour les Ecologistes de prendre leurs responsabilité. Pour l'instant il semble que les portefeuilles ministériels pèsent plus. Mais jusque quand ?
La réelle interrogation reste cependant dans le domaine économique. Car autant le dire tout net, le gouvernement a fait preuve d'un manque de courage assez incroyable. Que ce soit lors de la reculade face aux «Pigeons», l'allègement de 20 milliards d'Euros de charges patronales accordé aux entreprises (en période de rigueur budgétaire), compensé par une TVA sociale qui ne devait pas voir le jour (idée sarkozienne que le candidat Hollande avait promis de ne jamais mettre en place) ou la gestion du dossier Mittal-Florange, le gouvernement a donné le sentiment de sans arrêt plier face aux patrons. Si l'on y ajoute l'hypothétique volet croissance du dernier traité européen, on peut en conclure que pour l'instant la continuité, plus que le changement, semble être le maître mot pour un Parti Socialiste gouvernant. Est-ce là le fameux «mur du réel» ?
Ce qu'il y a de gênant dans tous ces cas de figures, c'est que non seulement le gouvernement revient sur des promesses de campagne, mais il semble également manquer d'imagination, en ne proposant même pas d'autres moyens d'aborder la question. Pourtant les solutions ne manquent pas, les reculades ne sont pas nécessaires. Taxer la revente d'entreprise ne freinerait pas l'innovation, il limiterait simplement une opération qui ne vise pas la pérennité de sociétés mais l'épaisseur de portefeuilles de personnes qui n'auraient par ailleurs pas été flouées si taxées. Au final qui se fait pigeonner?
Le gouvernement semble avoir oublié qu'il a toutes les clés en main pour tenter une autre approche, disposant de tous les leviers du pouvoir comme les socialistes ne l'ont jamais eu. Il a le droit à l'expérimentation, à tenter une autre approche. Il serait difficile de lui reprocher de tenter autre chose, même si cela ne marchait pas, plutôt que s'obstiner dans les vieilles recettes qui, ces 30 dernières années, ont largement démontré qu'elles n'étaient non seulement pas adaptées mais étaient en grande partie la source de la situation actuelle.
Le principal problème est que le PS est face à une responsabilité quasiment historique. Les années 2000 ont fortement dévalorisé l'action politique. Il ne faut pas non plus se voiler la face, le style de Nicolas Sarkozy autant que les affaires qui le poursuivent n'ont pas renforcé l'image du personnel politique. La responsabilité du PS lors de son élection était de démontrer qu'autre chose était possible, que les promesses pouvaient encore avoir un sens. Seulement 7 mois après l'élection, il est bien entendu beaucoup trop tôt pour tirer un bilan mais si le cap n'est pas rectifié très vite, la frustration des électeurs risque d'augmenter. Les sondages le prouvent, le gouvernement n'a aucun droit à l'erreur. Si l'on considère la situation actuelle de l'UMP en face, ce ne sera pas l'UDI qui deviendra la première force politique du pays en 2017, mais bien le FN qui raflera la crise.