Benoît XVI Superstar

Il était difficile de ne pas être au courant, le Pape est en visite en France en ce moment. Il présidait une messe sur l’esplanade des Invalides à Paris, messe où se sont retrouvées plus de 220.000 personnes et retransmit sur les deux premières chaînes de télévision. Messe suivie par de nombreuses personnalités, parmi lesquelles Bernadette Chirac, dont la spiritualité est plus que connue, et le Premier Ministre, François Fillon.

L’une des images les plus amusantes, mais d’un point de vue positif, a eu lieu à la fin de la cérémonie, lorsque le Pape, descendant des marches, était entouré de dizaines de prêtres qui voulaient le toucher, le prendre en photo etc. Pour un peu ils lui auraient demandé des autographes. Une vraie descente de rock star. Ce qui était amusant c’est justement le comportement de ces prêtres qui, oubliant pour un temps la retenue qu’on attend d’eux en général, se bousculaient pour tenter de toucher le Pape, de lui glisser un mot, d’avoir un regard.

Pour les catholiques on peut imaginer la joie que représente la présence du Pape en France, la possibilité de le voir, autant sur place qu’à la télévision pour tous ceux qui n’ont pas pu se déplacer. Pour les autres en revanche il peut y avoir une certaine gêne. Gêne concernant la manière dont le Pape (il ne faut cependant pas oublier qu’en plus d’être représentant d’une religion il est aussi chef d’Etat, et c’est à ce titre qu’il est reçu, normalement, par le Président de la République ou le Premier Ministre) et la retransmission de cette messe.

Car demain nous y aurons de nouveau droit, sur France 2 déjà, dans le cadre du jour du seigneur, l’émission au cours de laquelle est traditionnellement retransmise la messe dominicale. Celle de Lourdes avec le Pape sera à coup sûr à la télévision. Dans ce cas quel besoin de retransmettre celle d’aujourd’hui ? Et surtout sur deux chaînes ? Il y a d’une certaine manière confusion des genres et cela va au-delà de l’idée de la laïcité. Aucune autre religion n’aura un tel traitement de faveur et aucun autre chef d’Etat ne sera jamais reçu et suivi de la sorte.

La laïcité justement a été au cœur de ces deux premiers jours de visite papale. Benoît XVI en a parlé, Nicolas Sarkozy également, en sortant un nouveau concept : la laïcité positive. On avait eu le droit à la discrimination positive, à présent c’est la laïcité qui doit devenir positive. Au passage on pourra noter que dans l’esprit du Président de la République (garant des institutions), la laïcité en France, telle que la loi de 1905 l’a mise en place, n’est pas positive.

Il l’a d’ailleurs déjà exprimé à de multiples reprises, que ce soit à Rome lors de son discours à Saint-Jean de Latran et décembre dernier, puis lors de sa visite officielle en Arabie Saoudite. Son idée n’est pas de laisser les religions dans la sphère privée mais de les remettre sur la place publique. Avantage : il ne fait aucune distinction entre les religions (tout du moins dans son discours). Inconvénient : le retour des religions sur la place publique risque d’une part d’entraîner un mélange des genres de la part de nos dirigeants, d’autre part de donner beaucoup plus d’exposition aux mouvements intégristes, quelle que soit la religion.

Car, il est important de le rappeler, il n’y a pas que des intégristes musulmans, on en retrouve un certain nombre également chez les catholiques (qui sont pour un retour de la messe en latin, qui veulent que le catholicisme redevienne la pierre angulaire de la société, aimeraient ramener les femmes à la maison, etc), chez les juifs (qui couvrent également leur femme, question de culture et non de religion) ou encore chez les protestants. A cela il faut ajouter toutes sectes qui en profiteront immanquablement pour s’engouffrer dans la brèche, mettant en avant leur statut de religion dans d’autres pays (c’est le cas des mormons ou des scientologues par exemple).

Benoît XVI lui-même a plaidé pour cette réappropriation de l’espace public par les catholiques, les incitant à « parler du Christ autour de vous, à vos familles et à vos amis, sur vos lieux d'études, de travail et de loisirs. » Une incitation au prosélytisme, ce qui est pourtant officiellement interdit aujourd’hui en France.

Mais l’Eglise catholique se fait tailler des croupières, en particulier par les mouvements protestants venant des Etats-Unis, qui eux n’hésitent pas à faire du prosélytisme. Ces mouvements dits  « évangélistes » gagnent des fidèles partout dans le Monde, en particulier en Amérique Latine et en Afrique, terres catholiques, et commencent à se développer en France. Si on ajoute à cela la poussée de l’Islam depuis de nombreuses années, on peut comprendre que Benoît XVI refuse de laisser le terrain religieux aux autres.

Reste cependant la position de l’Etat, celui-ci n’est pas censé offrir une aide aux religions, mais bien les contenir dans la sphère privée. Il ne s’agit en aucune manière de faire une chasse aux croyants, bien au contraire, mais, et la loi interdisant les signes religieux visibles allaient dans ce sens, faire en sorte que chacun vive sa foi de manière personnelle. Après tout, n’est ce pas la meilleure façon de se rapprocher de Dieu ?