la "vraie France"

Publié le par Erwann




Lors des célébrations du 8mai Nicolas Sarkozy a voulu, une fois de plus, faire dans la rupture. En effet, plutôt que l’habituelle célébration sur les Champs Elysées, il a préféré profiter du beau temps et aller prendre l’air en Normandie, à Ouistreham plus précisément, là où débarqua le petit commando français participant débarquement le 6juin. Au passage il rendit un hommage appuyé à des vétérans de la Résistance, mettant en avant que pour lui la vraie France n’avait pas été à Vichy mais bien représentée par ces hommes courageux. C’est à peu de choses près les mots qu’il a employé d’ailleurs.

Au passage son éloge était adressé au Général de Gaulle ainsi qu’à tous les soldats français qui se battirent sur les différents fronts pendant la Seconde Guerre Mondiale. En agissant de la sorte il voulait mettre en avant la grandeur de la France selon lui, et d’une certaine manière passer sous silence ses côtés les plus sombres. Il s’est par ailleurs démarqué de Jacques Chirac qui, en 1995 donc juste après son élection, avait reconnu le rôle qu’avait joué la France dans la rafle du Vel’ d’Hiv’ et plus largement dans la déportation des Juifs de France.

Cette volonté de rendre hommage avant tous à ceux qui se sont battus pour notre pays pendant ses heures les plus sombres est bien entendu la moindre des choses, particulièrement en mémoire de ceux qui y ont laissé la vie, cependant de là à parler de « vraie France » il y a un fossé que le Président de la République franchit peut-être un peu vite.

Il est bien entendu naturel de ne vouloir se remémorer que des faits glorieux de notre Histoire, cependant il ne faut pas pour autant en occulter les autres, au point de vouloir les effacer, pour ensuite réécrire cette Histoire de manière à la faire mieux convenir à ce qu’on aurait souhaité qu’elle soit.

Il ne faut pas se tromper sur un point avant tout : lors de la Seconde Guerre Mondiale nous faisons plutôt parti des vaincus que des vainqueurs. Le fait que l’armée française ait fait partie des forces d’occupation en RFA était avant tout dû à une volonté de Churchill d’impliquer la France en Allemagne pour éviter un nouveau conflit entre les deux voisins. Mais l’absence de de Gaulle à Yalta ainsi qu’à Potsdam montre bien le peu d’influence que les troupes françaises ont eu sur la guerre.

De même lorsque le Maréchal Pétain demande le cesser le feu puis signe un armistice avec l’Allemagne, il le fait en tant que Président du Conseil, donc avec toute la légitimité que cela entraîne. Le gouvernement qu’il forme à Vichy est d’ailleurs lui-même, juridiquement parlant, tout à fait légitime, bien plus d’ailleurs que celui que de Gaulle commence à mettre en place à Londres. Les Alliés eux-mêmes le considèrent puisqu’ils tentent dans un premier temps de faire rallier les colonies françaises au conflit, avant de finir par se tourner vers le Général de Gaulle.

Malgré tout Nicolas Sarkozy a raison, la vraie France n’est sans doute pas à chercher de ce côté. Les collaborateurs étaient, au regard de l’importance de la population française, assez peu nombreux, quelques dizaines de milliers au plus. Ils étaient en revanche organisés, équipés et donc dangereux, et d’ailleurs ils ont tout de même fait beaucoup de dégâts, autant contre les Résistants que contre les Juifs.

Cependant elle n’est pas non plus du côté des résistants, qui n’étaient finalement sans doute pas plus nombreux que les collaborateurs. On peut très certainement imaginer que les forces en présence étaient numériquement à peu près égales. Au niveau des moyens c’était en revanche une autre histoire. De plus il ne faut pas non plus oublier que certains ont rejoint le maquis non pas pour se battre dans un premier temps, mais pour éviter de partir en Allemagne dans le cadre du STO. En 1944 le nombre de résistants va augmenter, mais on peut y voir un double phénomène : d’une part les succès Alliés donnent du courage à un certain nombre de personnes, d’une autre (et il ne faut pas le nier) d’anciens collabos, sentant le vent tourner, décident de changer de camp.

En fait la vraie France était non-alignée. Elle n’était ni résistante ni collaboratrice, elle attendait que les choses se passent. Elle avait ses idées sur la question bien entendu, et dans sa majorité elle n’espérait qu’une chose c’était la défaite de l’Allemagne, mais elle ne se sentait ni le courage ni la force d’aller plus loin. Et comment lui en vouloir d’ailleurs, car comment pourrions nous juger ceux qui ont pensé avant tout à survivre, à nourrir et protéger autant que possible leur famille plutôt que se battre pour la France? D’ailleurs quand bien même ça aurait été par simple « lâcheté », dans une telle situation le courage est admirable mais la peur n’est pas condamnable.

Bien entendu ce ne sera jamais à cette France que l’on rendra hommage, car au bout du compte elle nous rappelle trop la sombre vérité : que nous étions occupés parce que nous étions vaincus. Et puis il est difficile de célébrer des voisins ou des amis qui n’ont pas osé agir pour sauver ceux qu’ils voyaient emmenés par les soldats allemands ou la gendarmerie française. Mais peut-être un jour faudrait-il y songer. Rendre hommage à ceux qui n’ont rien fait, ni de bien ni de mal, mais qui ont malgré tout souffert (des bombardements, de la privation) et dont le premier mérite aura été d’essayer de rester en vie, eux et leur famille.

Publié dans Histoire

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