Le plus difficile reste à faire.

Publié le par Erwann




Les choses sérieuses commencent enfin. Après des mois d’une campagne pour l’investiture acharnée entre Hillary Clinton et Barack Obama celui-ci l’a enfin officiellement remporté, au terme des dernières primaires, dans le Montana et le Dakota du Sud, deux états du Nord-Ouest, où remporté par chacun des candidats. Au total, et malgré les victoires de Mme Clinton dans les états les plus peuplés, le sénateur de l’Illinois remporte donc le plus grand nombre de délégués, autant par les votes que par le ralliement des super-délégués.

Pour la première fois de l’Histoire des Etats-Unis un Noir Américain est donc le candidat d’un des deux grands partis et se retrouve en position de se retrouver à la Maison Blanche. La route est bien entendu encore très longue, mais il s’agit d’une étape décisive dans l’évolution des mentalités américaines : pour la première fois, des millions d’électeurs, majoritairement blancs, acceptent l’idée qu’un citoyen issu d’une des minorités de couleur du pays devienne leur chef suprême.

Il ne faut cependant pas s’y tromper, cet état d’esprit n’est pas encore le plus répandu dans le pays. Il touche pour le moment les personnes des catégories sociales supérieures dans leur majorité, ayant un bon degré d’éducation. Chez ce que l’on appelle les « rednecks », ouvriers ou agriculteurs, on n’en est pas encore là, la méfiance et le racisme restent des éléments très présents. Et puis il est pour eux bien plus facile de se reconnaître dans le candidat républicain, John McCain ancien combattant de la Guerre du Vietnam qu’en Barack Obama, métis ayant vécu une partie de sa vie dans un pays musulman (l’Indonésie).

Pourtant M. Obama l’a emporté face à Hillary Clinton dans de nombreux états ruraux, non seulement dans le sud (où il y a cependant une très forte minorité noire, très largement mobilisée en sa faveur), mais aussi dans le Wyoming, le Nebraska, le Kansas ou l’Iowa. Mais c’est une nouvelle élection qui commence, d’une part parce qu’elle ne concerne plus seulement les sympathisants démocrates mais aussi parce que les électeurs américains, sans doute encore plus qu’ailleurs, ont la mémoire courte, et que d’ici à novembre beaucoup de choses peuvent se passer.

La première des difficultés sera pour lui de réussir à regrouper les démocrates autour de sa candidature. Le parti a été profondément divisé durant ces primaires, la personnalité très marquée des deux candidats mais également le fait que, pour l’un comme pour l’autre, la nomination en tant que candidat du parti marquait un événement historique majeur pour le pays.

Deux idées se développent aujourd’hui. Certains pensent qu’il faut que Barack Obama prenne Hillary Clinton comme colistière pour les élections, ce qui permettrait au parti de se regrouper derrière ses deux tendances ainsi regroupée. Cependant le risque est de voir le duo Obama-Clinton cristalliser les opinions négatives plus qu’elle en renforcerait la cohésion de l’électorat. L’autre solution consisterait à prendre une autre personnalité, plus consensuelle, tel que l’ancien candidat à l’investiture John Edwards mais au risque cette fois de se mettre à dos les supporters d’Hillary Clinton. Plusieurs observateurs ont cependant tendance à penser qu’il s’agirait d’un moindre mal, la manière dont Mme Clinton a mené sa campagne l’ayant passablement discrédité vis-à-vis d’une bonne part de l’électorat et John Edwards ayant quant à lui une excellente image chez cette frange de la population qui ne se reconnaît pas forcément dans M. Obama.

La durée des primaires démocrates peut leur avoir été cependant très profitable, car pendant ces derniers mois le discours de John McCain a été totalement inaudible. Cela est bien entendu en partie un avantage pour lui car on le dit faible sur les sujets économiques et sociaux qui risquent d’être les thèmes majeurs de la campagne à venir, mais dans un pays qui ne vit que par l’image, son absence quasi-totale des écrans pourrait presque faire penser qu’il n’est plus là, et le déficit de notoriété peut être extrêmement difficile à rattraper.

L’envie de changement est notable aux Etats-Unis, c’est d’ailleurs sur les mots « change et « hope » (espoir) que Barack Obama a réussi ces primaires, au point de finalement battre celle qui, il y a six mois, était annoncée comme la future candidate démocrate (à cette époque Hillary Clinton caracolait dans les intensions de votes avec près de 20points d’avance sur M. Obama et Edwards au niveau national) et il ne faut pas s’y tromper, le manque d’expérience au niveau national du sénateur de l’Illinois ne risque pas d’être un problème (des présidents tels qu’Abraham Lincoln, Woodrow Wilson ou Franklin D. Roosevelt, qui ont dû gérer les périodes les plus difficiles de l’Histoire Américaine, n’en possédaient pas plus lors de leur élection à la présidence).

La manière dont Barack Obama a également su gérer les différentes crises qu’il a eu a traverser après chaque attaque lancée par l’équipe Clinton démontre sa capacité à centrer l’attention sur autre chose. L’avantage de la durée de ces primaires est également d’enlever un certain nombre d’angles d’attaques aux républicains, celles-ci ayant déjà été utilisées, sans succès, par les partisans de Mme Clinton.

Le plus dur reste cependant à faire pour les deux candidats. Pour Barack Obama il s’agit de rassurer sur sa capacité à diriger le pays en cas de crise majeure ainsi que sa capacité de rassemblement dans son propre camp. Il s’agira également pour lui de contourner les préjugés raciaux encore profondément ancrés dans la société américaine pour malgré tout regrouper une majorité d’électeurs. Il devra affronter non seulement le racisme des classes laborieuses blanches mais aussi l’opposition de plus en plus forte existant entre les Noirs Américains et les Latinos (c’est cette opposition qui l’a fait perdre face à Hillary Clinton en Californie, Arizona ou Nouveau Mexique).

Pour John McCain la difficulté principale sera de réussir à se démarquer du bilan de l’administration Bush, qui est considéré par la majorité des Américains comme très mauvais, malgré le soutien qu’il a pu apporter en tant que sénateur républicain. Il s’agira également pour lui d’attirer le vote des jeunes et des diplômés, ce qui n’est pour le moment franchement pas gagné.

Dans tous les cas la suite de ces élections américaines sera passionnante, du fait de la différence totale de style entre les candidats, des enjeux de l’élection, des thèmes qui y seront abordés. Et peut-être vivrons nous un instant Historique le 2novembre 2008, en voyant un Noir entrer à la Maison Blanche, 143 ans après la fin de la Guerre de Sécession et l’abolition totale de l’esclavage aux Etats-Unis et 40ans après l’assassinat de Martin Luther King, leader du mouvement des Droits Civiques.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article