Des réformes, mais quels résultats?

Depuis plusieurs semaines la critique envers Nicolas Sarkozy (justifiée ou non) est plus que virulente. Mais celle-ci porte avant tout à ce qu’il est ainsi que sur sa manière d’incarner la fonction présidentielle, mais toujours rien concernant sa politique, qui est pourtant ce sur quoi un homme politique devrait être jugé.
Pourtant le moment s’y prête. La tenue prochaine d’élections est traditionnellement le moment choisi pour dresser des bilans. Tout le monde s’y colle : l’opposition pour critiquer, la majorité pour montrer le travail effectué, la presse pour juger et compter les points. Mais là rien, à croire que la majorité ne préfère pas communiquer dessus et que l’opposition ne sait plus ce que c’est qu’être une opposition justement.
En dix mois de mandat le mot qui est le plus revenu est bien entendu celui de « réforme ». Pour montrer que l’on fait quelque chose il faut tout changer, toucher à tous les secteurs de la vie quotidienne et économique, répondre aux attentes des électeurs mais aller au-delà, pour redonner de la vigueur à l’économie française. Il faut dire que celle-ci se porte dramatiquement mal en effet, il suffit de voir les résultats annuels des grandes sociétés qui n’ont cessé de présenter des bénéfices records au cours de ces dernières semaines (l’exemple de la Société Générale est à ce titre évocateur puisque malgré la perte de 4,9milliards d’euros dû à Jérôme Kerviel celle-ci réussi encore à afficher un résultat positif de plusieurs centaines de millions d’euros). Chaque année semble d’ailleurs être une année record puisque depuis le début du siècle ils tombent sans cesse.
Diverses mesures ont été mises en place, mais la plus spectaculaire reste cette décision de mettre en place un plafond d’imposition pour les français les plus riches, entraînant un manque à gagner pour l’Etat chiffré à 13millards d’euros en 2007, 15milliards à partir de cette année. Le but est de donner des moyens supplémentaires aux plus riches pour les inciter à investir encore plus dans l’économie de notre pays, entraînant ainsi un cercle vertueux qui devait aboutir à améliorer l’emploi. Malheureusement ce choix n’est pas sans conséquences, car cette remise fiscale, unique dans l’Histoire de la Vème République, a fragilisé les comptes de l’Etat, par ailleurs lancé dans une grande réforme qui, avant de pouvoir porter ses fruits, s’avère elle aussi fatalement coûteuse. De plus les résultats se font plus qu’attendre pour le moment, le réinvestissement de cette somme n’ayant pas été la priorité de nos compatriotes les plus riches (et qui pourrait les en blâmer).
Il faut donc récupérer l’argent ailleurs, ou tout du moins limiter autant que possible les dépenses. Et mettre de côté certaines promesses faites lors de la campagne présidentielle. Telle que cette promesse d’augmenter le budget de la recherche. Car il y a une constante, quelle que soit la couleur du gouvernement au pouvoir, qui consiste à voir les choses à court terme et non à long terme. Et certains secteurs « superflus » sont toujours les premiers touchés quand il y a des coupes budgétaires : la recherche et la culture. Après tout ce n’est pas grave, ça ne parle pas à la majorité des gens.
Mais les conséquences sont pourtant énormes. Dans le cas de la culture ce sont des dizaines de compagnies, de théâtres, d’équipements culturels, qui se retrouvent en péril, l’argent restant allant en priorité aux grosses structures (musées, opéras ou théâtres d’importance nationale). On a pourtant tendance à oublier les réactions en chaîne que ce choix peut entraîner au niveau de l’emploi direct et indirect, plusieurs milliers de personnes vivant de ce secteur d’activité. Sans compter le fait qu’une bonne part du rayonnement international et historique de notre cher pays s’est fait par le biais de la culture et rien d’autre. Et qu’un artiste, quel qu’il soit, ne débute quasiment jamais directement à l’Opéra de Paris ou par une exposition à Beaubourg.
En ce qui concerne la recherche la situation n’est pas non plus très brillante. La recherche fondamentale coûte de l’argent, et de ce fait n’est le plus souvent pas effectuée par les entreprises mais par des unités de recherche publiques et/ou rattachées à des universités, dans n’importe quel pays. Pourtant cette recherche fondamentale est essentielle, car ses découvertes d’aujourd’hui trouveront des applications dans la recherche des entreprises de demain et dans l’économie et l’emploi d’après-demain. Miser sur la recherche est donc miser sur la pérennité économique du pays. Les gouvernements précédents semblaient l’avoir oublié, celui-ci non, qui promettait d’injecter pour près de 3milliards d’euros dans la recherche sur 5ans. Seulement actuellement les fait sont totalement contraire aux promesses, avec une baisse d’en moyenne 5% (hors inflation) des crédits accordés à la recherche. Les voyants étaient à l’orange bien mûr, ils virent à présent au rouge. Et encore, on ne parle que de la recherche en sciences dites dures (biologie, physique, chimie, etc), pour la recherche en sciences humaines c’est bien pire.
Autre promesse qui tarde à avoir un effet positif : la célèbre question du pouvoir d’achat. A première vue l’Etat semble vouloir prendre le problème à bras le corps, avec plusieurs lois déjà concernant l’assouplissement des heures supplémentaires. A première vue seulement, car dans les faits les mesures prises semblent clairement être en faveur des entreprises, en aucune manière dans le sens des salariés. La prochaine étape est, normalement, la mise en place de l’intéressement salarial, avec une loi ambitieuse qui prévoirait la mise en place des « 3-tiers » (un tiers des bénéfices pour les actionnaires, un tiers pour les salariés, un tiers pour le réinvestissement). Sur le papier l’idée semble excellente, et les effets certainement réels. Mais le MEDEF est contre. Et jusqu’à présent, depuis 10mois, il a sans arrêt eu gain de cause, quand il n’a pas carrément inspiré certaines mesures. Pourtant l’intéressement salarial pourrait être d’autant plus motivant pour les salariés, et avoir, au bout du compte un effet plus que positif sur le chiffre d’affaire des sociétés. Mais si à l’heure actuelle le court terme semble prévaloir chez les politiciens, c’est encore plus le cas chez les chefs d’entreprise, dont les politiques financières vont dans le sens d’un retour sur investissement à très court terme, aucunement dans le sens d’une réelle stratégie d’entreprise.
A la décharge de Nicolas Sarkozy, en ce qui concerne le pouvoir d’achat, il hérite d’une situation dont il n’est en rien responsable. En 10ans le revenu moyen d’un français est passé de 10000francs en 1998 à environ… 1500€ aujourd’hui, soit une augmentation quasi nulle ! Et si la situation n’était pas aussi difficile au début des années 2000 il faut bien avouer que personne (ni Lionel Jospin ni Jean-Pierre Raffarin ou Dominique de Villepin) n’ont eu l’idée d’anticiper un minimum.
Il s’agissait également de réformer, mais en passant par la concertation, c’était le mot d’ordre pendant la campagne. Mais que ce soit au sujet de la réforme sur les universités (faite en pleine vacances d’été, après une seule rencontre avec syndicats étudiants et de professeurs) ou de la réforme de la fonction publique il faut bien avouer que la concertation a été mise largement de côté, entraînant les énormes mouvements sociaux de l’automne et une très forte méfiance vis-à-vis desdites réformes.
Concernant ces dernières réformes il faudra bien entendu attendre pour voir si les résultats effectifs sont à la hauteur de ceux attendus par le gouvernement, principalement concernant l’université. Quant à la réforme des régimes spéciaux de retraites, il est certain qu’elle est à faire et que depuis 1995 tous les gouvernements le savent mais se sont refilés le dossier sans oser l’aborder, jusqu’à aujourd’hui où il est impossible d’attendre plus longtemps.
La réforme de l’assurance maladie quant à elle ne va de nouveau que dans un sens, puisqu’il demande encore une fois aux patients de mettre la main à la poche, avec la franchise médicale, sans demander rien de la part des laboratoires pharmaceutiques (dont le prix des molécules augmente), des pharmaciens ou des médecins (dont le revenu moyen sur les 10dernières années a augmenté en moyenne de 30%). Il n’a pas non plus été question d’imposer la vente des médicaments génériques, le remplacement d’un médicament de marque par un générique n’est toujours que conseillé.
D’autres réformes sont prévues et d’ors et déjà annoncées, dans l’éducation nationale notamment, et si certaines sont de l’ordre de l’inimaginable (le « parrainage » d’un enfant mort dans les camps par un enfant de cm2 ou encore l’obligation d’apprendre les symboles nationaux), d’autres semblent plus que nécessaires (le recentrage de l’enseignement primaire sur des fondamentaux). Reste à savoir de quelle manière elles seront menées et surtout quels seront les résultats obtenus.